mercredi 22 avril 2009

la Grande Depression vue par John Steinbeck



Un texte saisissant de l'auteur américain John Steinbeck, tiré de l'ouvrage paru en 1960 America and Americans, and selected nonfiction. Tout le monde ne parlant pas anglais couramment, voici quelques morceaux choisis traduits en français.

Chapeau à Economist View pour avoir déniché ce texte.


A Primer on the 30's


Bien sur, je me souviens des Années Trente, les terribles, tumultueuses, triomphantes, explosives Années Trente. Aucune autre décennie dans l'histoire ne connut autant d'événements partant dans autant de directions différentes. De violents changements ont eu lieu. Notre pays fut modelé, nos vies transformées, notre Gouvernement reconstruit, forcé d'assumer des fonctions, taches et responsabilités il n'avait jamais eu auparavant et desquelles il ne pourra plus jamais se défausser.
Les plus enragés, hystériques anti-Roosevelt n'oserait pas-même suggérer revenir sur ces réformes, les gardes-fous et le concept neuf d'un Gouvernement responsable pour tous ses citoyens.
En regardant en arrière, cette décennie me semble avoir été aussi soigneusement préparée qu'une pièce de théâtre. Elle a connu début, milieu et fin, et même un prologue - 1929 donnant contraste et grandeur tragique pour les dix années suivantes.

Je me souviens très bien de 1929. C'était pour nous la réussite (pas moi mais la plupart des gens oui). Je me souviens des visages drogués et joyeux des gens qui construisaient des fortunes de papier sur des actions qu'ils ne pouvaient se payer. "J'ai fait dix points en dix minutes aujourd'hui. Voyons voir...ça fait quatre-vingts mille cette semaine."

Dans notre petite ville, des présidents de banque et des cantonniers se bousculaient au téléphone à pièces pour appeler leurs courtiers. Tout le monde était courtier, plus ou moins. A la pause midi, les employés de magasin et les sténographes mâchaient leurs sandwiches tout en regardant les tableaux et calculaient leur fortune s'accumuler en tas. Leurs yeux avaient cet éclat que l'on peut observer autour d'une table de roulette.
[...]
Je me souviens comment les Grands Barons, les hommes dans le coup, étaient interviewés et re-interviewés. Certains d'entre eux gagnaient du temps pour rassurer les millionnaires ruinés: "C'est un réajustement naturel". "Ne craignez rien - achetez = continuez d'acheter." Pendant ce temps les Grands Barons vendaient et le marché s'écroulait sur lui-même.

Alors vint la panique, et la panique se transforma en choc sourd. Quand les marchés s'écroulèrent, les usines, mines et aciéries fermèrent et alors personne ne put plus rien acheter, même pas de la nourriture. Les gens déambulaient, et semblaient complètement sonnés. Les journaux parlaient de gens ruinés sautant du haut des gratte-ciels. Quand ils arrivaient en bas, ils étaient littéralement ruinés.`L'on cle d'un de mes amis était un millionnaire très riche. De sept millions, sa fortune a fondu à environ deux millions en quelque semaines, mais deux millions cash. Il se lamentait qu'il ne pourrait pas trouver de quoi manger, se limitant à un œuf pour le petit-déjeuner. Ses joues se sont creusées, ses yeux devinrent fiévreux. Finalement, il se suicida avec son arme. Il pensait mourir de faim avec seulement deux millions. C'est dire la notion des valeurs qu'on avait à l'époque.

Soudainement les gens se souvenaient des quelques économies qu'ils avaient en banque, les seules certitudes dans un monde devenu si menaçant. Ils se sont rués pour récupérer leur argent. Il y eut des bagarres et des émeutes et des cordons de police. Quelques banques firent faillite. La rumeur commença à s'embraser. Alors, des gens apeurés et en colère prirent d'assaut les banques jusqu'à leur fermeture définitive.
[...]
Que se passait-il dans les centres de pouvoir? Il semblait alors et il semble toujours que le Gouvernement prit peur. La Maison Blanche, barricadée et entourée de troupes, montrait que le président avait peur de ses propres citoyens. La rumeur se répandit que M. Hoover avait stocké pour trois ans de nourriture dans sa résidence de Santa Cruz Mountain. Peu importe que ce fut vrai ou non. Les gens y croyaient. Et on devait ressentir de la peur dans l'Administration, car seule la peur pousse à recourir à la force.
[...]
La Prohibition avait été abolie [en 1934] et des slogans peints grossièrement apparurent sur tous les murs "Vous nous avez donné de la bière, maintenant donnez-nous de l'eau!" Dans les Grandes Plaines, le tapis d'herbe à buffles avait depuis longtemps été fauché et la terre gisait nue et vulnérable sous les rayons du soleil. Quand les vents forts se levaient, la poussière se soulevait et formait des nuages, voilant le soleil et s'abattant sur les façades et les clôtures comme de la neige sombre. Les photographies de l'époque montrent nos régions les plus riches ressemblant à des paysages lunaires, dévastés et effrayants. Le bétail mourrait ou était abattu, et les gens fuyaient pour sauver leur peau, abandonnant tout ce qu'ils ne pouvaient transporter avec eux.
[...]
Durant les premiers jours de la migration, quelques groupes furent pris au piège par (les) intempéries. Par exemple, environ trois mille personnes, dans un camp de King's County, California, furent pris dans une inondation. Ils se sont retrouvés entassés et affamés sur les hauteurs entourées d'eaux et de champs emplis de boue.
[...]
Le Klan devenait puissant, au moins en nombre. A Pacific Crove, le sigle KKK était peint en lettres géantes sur les murs et plusieurs fois une petite carte rouge était glissée sous ma porte, avec inscrit "On vous tient à l'œil". signé "KKK".
[...]


Google BookSearch pour lire la version complète en anglais.

2 commentaires:

  1. Intéressante perspective...
    Sgan

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  2. C'est pour cela que la plus grande réussite de Roosevelt n'est pas économique mais politique.

    En fait son New Deal a eu des résultats économiques assez contrasté (réussite de 1933 à 1936, puis retour du marasme à partir de 1937). Parce qu'il est allez trop loin dans les réformes pour les libéraux, pas assez loin pour d'autres... On ne saura jamais.

    Par contre, ce qui est indéniable, c'est qu'il a rétabli la confiance du peuple américain. Et ce faisant, il a très certainement assuré la survie de son système.

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