jeudi 16 avril 2009

le Pakistan, allié des Etats-Unis et cible du Pentagone

drone
nom masculin
(anglais drone)
Petit avion télécommandé utilisé pour des tâches diverses (missions de reconnaissance tactique à haute altitude, surveillance du champ de bataille et guerre électronique; armement). Larousse.



Dans ce qu'il ne convient plus d'appeler la Guerre contre la Terreur, mais les Opérations de Contingence d'Outre-Mer, la chasse au Talibans est restée, sept ans après l'invasion de l'Afghanistan, une des activités principales du Pentagone. Avant même son élection, Barack Obama avait fait savoir qu'il concentrerait les efforts militaires américains en Afghanistan, laissant l'Irak "pacifié" se débrouiller tout seul. Il n'avait par contre pas dit que sous son commandement direct, le Pentagone multiplierait les attaques de unmanned vehicles dans ces fameuses "zones tribales" insoumises, en territoire Pakistanais.

Le gouvernement d'Islamabad, allié traditionnel des Etats-Unis et puissance nucléaire, joue un jeu étrange face à cette situation. On apprend cette semaine de l'AFP :
Le président du Pakistan Asif Ali Zardari a donné son feu vert à un accord avec les talibans, très critiqué par les Etats-Unis, qui instaure des tribunaux islamiques dans la vallée autrefois très touristique de Swat (nord-ouest) en échange d'un cessez-le-feu.

"Le président a signé lundi" l'accord après que l'Assemblée nationale l'eût approuvé à une très large majorité, a indiqué à l'AFP le porte-parole de la présidence, Farah Ispahani.

Il avait été négocié le 16 février entre le gouvernement de la Province de la Frontière du Nord-Ouest (NWFP) et les talibans de la vallée de Swat, qui avaient alors décrété un cessez-le-feu unilatéral mais menacé de reprendre les combats si l'Etat fédéral ne promulguait pas le texte.

Ces tribunaux islamiques, installés de facto, ont d'ailleurs commencé à juger depuis mars dans cette vallée, autrefois le site le plus touristique du pays. Ils jugent en première instance en vertu de la loi islamique, la charia, dont l'application est cependant déjà prévue par la Constitution de la République Islamique du Pakistan.

La région de Swat, à une centaine de km au nord-ouest d'Islamabad, était tombée à l'été 2007 aux mains des talibans qui y multipliaient les exécutions sommaires, détruisaient des écoles mixtes et restreignaient les libertés des femmes. Mais l'armée n'a jamais réussi à y restaurer véritablement le pouvoir de l'Etat.

Cet accord, similaire à d'autres qui ont échoué en 2005 et 2007 dans les zones tribales voisines, où les talibans et Al-Qaïda ont reconstitué leurs forces, a été vertement critiqué par la communauté internationale, notamment les Etats-Unis, principal bailleur de fonds du Pakistan.

Ils craignent qu'un tel accord ne favorise l'expansion des talibans et d'Al-Qaïda, dont l'influence progresse spectaculairement dans ces régions frontalières avec l'Afghanistan depuis des années. Washington estime qu'Islamabad cède là du terrain face à l'islam radical, dans la seule puissance nucléaire militaire du monde musulman.

Sous la pression de Washington, dont Islamabad est l'allié-clé dans sa "guerre contre le terrorisme", M. Zardari avait soumis lundi le texte de l'accord au Parlement, qui s'est prononcé en sa faveur à la quasi-unanimité, invoquant un système judiciaire qui accélérera les procédures --d'ordinaire extrêmement lentes-- à la demande des justiciables.

En appel et cassation, ces derniers rentreront de nouveau dans le système judiciaire fédéral, qui juge en vertu d'un mélange de droit issu de l'héritage colonial britannique et de la loi islamique, la charia, dont la Constitution proclame qu'elle est supérieure à toutes les normes.

Le nouveau système judiciaire, dès qu'il sera promulgué officiellement par le gouverneur de la NWFP, s'appliquera aux trois millions d'habitants de la région de Malakand, dont le district de Swat constitue une grande partie.

Les talibans, qu'une vidéo a récemment montrés en train de fouetter publiquement une femme à Swat, espèrent qu'il permettra d'appliquer la charia à la lettre, ce qui n'est pas le cas dans le droit pakistanais.

Mais un communiqué du gouvernement indique que M. Zardari a rappelé ses engagements à maintenir "la suprématie de la Constitution" et son attachement à "renforcer la démocratie".

Face à ces contradictions, de nombreux analystes estiment que l'accord, comme ceux conclus par le passé et qui ont permis aux talibans de progresser dans les zones tribales à la faveur du cessez-le-feu, pourrait ne pas tenir bien longtemps.


Dans le même temps, une conférence se tenait à Tokyo afin de lever des fonds pour soutenir le gouvernement Pakistanais, qui du fait de la Crise Financière, avait du emprunter en décembre dernier au FMI 7.6 $milliards.

Le Japon, les Etats-Unis, L'Arabie Saoudite, l'Union Européenne et l'Iran ont convenu d'offrir 5 $milliards au Pakistan afin de l'aider à stabiliser son économie et à lutter contre les "terroristes" des territoires Pashtuns du Nord-Est du pays.

A l'issue de la conférence, Richard Holbrooke, "Emissaire Spécial" de la maison Blanche en Asie Centrale, à prévenu que la contribution était bienvenue mais insuffisante, et qu'il faudrait bientôt remettre la main à la poche.

Sept ans après son commencement, la guerre d'Afghanistan (naguère appellée opération Liberté Immuable, vous vous souvenez?) est en train de devenir la guerre Af-Pak, à mesure que se multiplient les bombardement de drones Predator sur les zones frontalières.

Un article du LA Times, écrit probablement par un attaché de presse du Pentagone, nous donne quelques chiffres :
Since Aug. 31, the CIA has carried out at least 38 Predator strikes in northwest Pakistan, compared with 10 reported attacks in 2006 and 2007 combined, in what has become the CIA's most expansive targeted killing program since the Vietnam War.
Rassurez-vous, ils ne précisent pas combien de mariages ont été intérrompus par les Predators.

On apprend également dans cet article que les Predators ne sont pas controlés par l'US Air Force, mais directement par la CIA. Ce sont en effet ses agents qui décident des cibles et controlent littéralement les frappes de ces drones.
The offensive has been aided by technological advances and an expansion of the CIA's Predator fleet. The drones take off and land at military airstrips in Pakistan, but are operated by CIA pilots in the United States. Some of the pilots -- who also pull the triggers on missiles -- are contractors hired by the agency, former officials said.
Tiens il y a même des intérimaires chargés de faire ce travail. L'incompétence criminelle n'a pas de limites.
Donc, le territoire Nord-Ouest Pakistanais, peuplé principalement de Pashtuns, est régulièrement frappé par des attaques d'UAV contrôlé par les services secrets américains, sans cadre militaire légal d'aucune sorte, et sans qu'il soit envisagé d'y mettre un terme dans un avenir proche. A en lire certaines dépêches, il semblerait même que la Maison Blanche continue l'intensification de ces frappes.
Le retour de flamme d'une telle politique est bien sur la radicalisation des populations visées, et la prolifération des groupes d'insurgés, Afghans et Pakistanais mélangés. Ce qui à son tour aggravera la confusion dans cette zone frontalière.

Le quotidien pakistanais anglophone The News n'est apparemment pas aussi sensible à la rhétorique du Pentagone que le LA Times. Selon ce journal, les bombardements par les UAV sont complètement inefficaces, pour ne pas dire qu'ils sont injustifiables et criminels.
Mettez-vous à la place d'un lecteur Pakistanais, lisez le paragraphe qui suit, et après demandez-vous quelle serait votre réaction.
Of the 60 cross-border predator strikes carried out by the Afghanistan-based American drones in Pakistan between January 14, 2006 and April 8, 2009, only 10 were able to hit their actual targets, killing 14 wanted al-Qaeda leaders, besides perishing 687 innocent Pakistani civilians. The success percentage of the US predator strikes thus comes to not more than six per cent.
6% de réussites, ou si vous préférez 94% de civils parmi les victimes. Good job indeed.

Il est difficile de savoir exactement ce que cherche à obtenir le gouvernement Pakistanais, si ils laissent la situation se pourrir pour effectuer un chantage cynique à l'aide financière et matérielle, ou si ils assistent impuissants à cette guerre menée par leur allié dans leur propre maison. On peut lire tout de même dans le même article :
The last predator strike on [April 8, 2009] was carried out hardly a few hours after the Pakistani authorities had rejected an American proposal for joint operations in the tribal areas against terrorism and militancy, as differences of opinion between the two countries over various aspects of the war on terror came out into the open for the first time. The proposal came from two top US visiting officials, presidential envoy for the South Asia Richard Holbrooke and Chairman of Joint Chiefs of Staff Admiral Mike Mullen. However, the Pakistani military and political leadership reportedly rejected the proposal and adopted a tough posture against a barrage of increasing US predator strikes and criticism emanating from Washington, targeting the Pakistan Army and the Inter Services Intelligence (ISI) and creating doubts about their sincerity in the war on terror and the fight against al-Qaeda and Taliban.
L'avenir proche nous dira si la relation Pakistan/Etat-Unis connait un refroidissement réel ou si c'était un petit froid passager...

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